3.4.12

Sur l'Oder

Je vous avais laissés alors que nous quittions notre cantonnement de Magdebourg. Ce n’est pas la marche au «pas de route» qui nous a causé de la fatigue mais le poids de notre armement, de nos cartouches et nos vivres. Il y en a pour 60 livres. Et moi, en plus, j’ai emporté le Voltaire de l’oncle d’Armentières. Pour le bivouac.

J’aime plutôt le «pas de route» par peloton ou par section et en prenant soin de maintenir trois pieds de distance entre les rangs car on marche à l’aise : on porte l’arme comme on veut, on n’est pas tenu ni de marcher du même pied ni de se taire. A quelle vitesse le «pas de route»? Entre
3 à 4 km à l’heure.

Et le 6 mars nous sommes arrivés à Stettin, une ville construite sur le fleuve Oder. Nous n’avons marché qu’une dizaine de lieues par jour. Aux blancs-becs déjà fatigués, les plus anciens racontent qu'en décembre 1805, notre général Gudin (César Charles Étienne Gudin de la Sablonnière) avait fait parcourir à ses soldats 28 lieues en 44 heures et qu’ils avaient combattu en arrivant...Quelle bataille? Austerlitz!

Nous, les soldats de la division de ce même Gudin, avons commencé à nous installer dans notre cantonnement de Stargard, une petite ville sur la rive droite de l’Oder. Et le général a formé un dépôt de malingres et d’estropiés pour les régiments.
A la veillée, j’ai repris le Voltaire de l’oncle d’Armentières à la page où il entame le récit de la deuxième campagne de Russie de Charles XII. Au début de l’année 1708, les Suédois ont passé le Niemen à deux lieux de Grodno. «A la première nouvelle que les Suédois arrivent, le Czar sort par la porte du nord, et Charles entre par celle qui est au midi.» Ces Russes semblent insaisissables.

Puis le Suédois ont commencé à avancer vers l’est, «depuis Grodno jusqu’au Borysthène » – qui s’appelle aujourd’hui le Dniepr - à travers des marais, des déserts, des forêts immenses. Dans des endroits qui sont cultivés écrit Voltaire «on ne trouve point de vivres, les paysans enfouissent dans la terre tous leurs grains, et tout ce qui peut s’y conserver: il faut sonder la terre avec de grandes perches ferrées pour découvrir ces magasins souterrains.. »

Puis nous avons quitté Stettin en direction de la Vistule. C’était le 1er avril, le jour anniversaire de la mort de ma mère en 1798. J’avais à peine 11 ans. A l’état civil elle était prénommée Claire Bernadine. Mais j’ai fait inscrire Eléonore sur le registre du 21e. Avait-elle changé de prénom ou mon père l’avait-il remplacée ?

J’oubliais un fait important : notre corps Davout est devenu le 1er corps de la Grande Armée. Le 21e fait partie de la 3e division commandée par Gudin avec le 7e léger et le 12e de ligne. Il appartient à la brigade Longchamps. Nous sommes 4344 hommes.

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